HomeFlèche NewsFlècheArchivesFlècheUn Forum et une décision prématurés

Un Forum et une décision prématurés

Archived

Wednesday July 3, 2013

Par Claude Boucher

Le gouvernement du Québec met fin à un suspense qui, aux yeux de l’industrie, nuisait aux investissements dans les projets existants et sur de nouveaux projets.

Un Forum et une décision prématurés

En dévoilant son nouveau régime d’impôt minier quelques semaines après la tenue du Forum sur les redevances, le gouvernement du Québec met fin à un suspense qui, aux yeux de l’industrie, nuisait aux investissements dans les projets existants et sur de nouveaux projets. Un impôt minimal sur la valeur du minerai à la tête du puits, et de nouveaux paliers d’imposition sur les bénéfices, les choix du gouvernement semblent dictés par l’objectif d’atteindre un compromis acceptable pour tous.

 

Peine perdue, la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine a rapidement réagi par communiqué.

 

« C’est quatre à huit fois moins de revenus que ce qu’avait prévu le Parti Québécois lors des dernières élections. On aurait pu aller en chercher beaucoup plus », affirme Ugo Lapointe, porte-parole de la coalition.

 

Beaucoup plus, mais sous quels critères? Et selon quels calculs?

 

Le Vérificateur général du Québec avait noté au gouvernement, dans son rapport 2008-2009, qu’il était alors « impossible d’établir, de façon claire et objective, si le Québec retire une compensation suffisante en contrepartie de l’exploitation de ses ressources minérales » (paragraphe 2.41 du tome II du rapport). Le Vérificateur avait alors recommandé au ministère des Ressources naturelles une analyse des principaux coûts et bénéfices économiques, sociaux et environnementaux associés à l’industrie minière, et de « réévaluer les droits miniers dans le but de s’assurer qu’ils sont suffisants pour compenser l’épuisement des ressources extraites ». 

 

Or, si le Forum et la décision qui en découle répondent à cette deuxième recommandation, la première, nécessaire pour l’exercice, reste en suspens. Dans son rapport de suivi à l’hiver 2013, rapport qui semble être passé sous le radar des médias généralistes et même de nombreux intervenants au Forum, le Vérificateur général constate en effet que les analyses nécessaires à une décision éclairée n’ont pas été faites.

 

À son point 12 du chapitre 7, le Vérificateur souligne :

 

« Les progrès réalisés à cet égard sont insatisfaisants. Le ministère n’a pas fait d’analyse pour évaluer si les bénéfices retirés des activités minières compensent les coûts qui y sont associés. Or, sans un tel exercice, il demeure impossible d’estimer les retombées nettes des activités minières pour la société québécoise. »

 

Le Vérificateur souligne l’existence d’analyses soumises par diverses parties prenantes au débat, mais l’absence d’analyse du ministère, selon lui, ne permet pas d’apprécier l’information contenue dans ces études de façon objective sous l’angle de l’intérêt public. Dans son rapport, il ajoute que cette analyse coûts-bénéfices est étroitement liée à la détermination des droits miniers, « voire préalable ».

 

« La décision du gouvernement était prématurée, nous dit Me Mathieu Gendron, avocat spécialiste en fiscalité minière chez Heenan Blaikie. Le Vérificateur général a souligné que nous n’avions pas tous les chiffres en main. C’est sûr qu’au niveau de l’impôt minier, la population s’attend à ce que les minières paient leur juste part des ressources qu’elles extraient. Mais l’analyse globale des bénéfices et des coûts du secteur minier au Québec n’a pas encore été effectuée par le Ministère des ressources naturelles. Nous sommes donc encore dans l’impossibilité de mettre dans une colonne tous les bénéfices et dans l’autre tous les coûts qui y sont associés, et de dire, avec chiffre à l’appui si les minières paient trop, assez ou pas assez. »

 

 

Le tableau de bord d’indicateurs en cours de préparation au MRN, qui servira de base à cette analyse, devrait être dévoilé sous peu et l’on peut s’attendre à ce que le ministère dépose, d’ici la fin de l’été, un rapport d’analyse qui répondra aux recommandations du Vérificateur général.

 

Selon Me Gendron, le vrai débat commencera avec le dépôt de cette analyse, qui permettra d’avoir une vue d’ensemble sur toutes les retombées positives et tous les coûts de l’exploitation minière au Québec.

 

«  Il faut entendre profit dans le sens de l’intérêt collectif des Québécois, et non pas uniquement en termes de fiscalité. Lorsque les chiffres sortiront, nous pourrons avoir une vraie discussion au Québec, sur des bases solides. Le Forum sur les redevances était prématuré parce que nous n’avions pas ces chiffres. Le gouvernement a choisi d’avoir le débat avant que les chiffres ne soient disponibles. Et j’ai l’impression que le rapport va démontrer que le Québec tire beaucoup plus de bénéfices que les coûts engendrés par l’exploitation minière. »

 

Le nouveau régime fiscal annoncé au début du mois de mai rapportera peut-être moins que ce que le PQ avait promis en campagne électorale. Mais dans le contexte actuel de tendance à la baisse du prix des métaux, et devant l’importance grandissante de l’industrie en matière de création d’emploi et de développement économique pour le Québec, les résultats finaux de cette analyse coûts-bénéfices pourraient bien réserver des surprises. 

Do you like this news?

Back to archives