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L'ambitieux projet qui transformera Tembec

Le lundi 23 septembre 2013

(TÉMISCAMING) Plus tôt cette année, un impressionnant mastodonte de 67 mètres (220 pieds) a fait son apparition en plein coeur du complexe de Tembec à Témiscaming, une ville de 2400 habitants située en bordure de la rivière des Outaouais, juste en face de l'Ontario.

 

Sylvain Larocque, La Presse

Photo Ivanoh Demers, Archives La Presse

L'ambitieux projet qui transformera Tembec

Ce fut tout un défi d'ériger une telle structure sans nuire aux activités quotidiennes des quatre usines qui entourent le chantier, expliquent les responsables du projet de construction, Marc Barrette et Daniel Héroux. Il a fallu déplacer cinq lignes électriques, une voie ferrée et une conduite de gaz. Pas de place pour faire une fausse manoeuvre: l'usine la plus proche est située à 9 mètres (30 pieds) du nouveau bâtiment.

Ce bâtiment, c'est en fait une chaudière géante qui remplacera les trois chaudières de l'usine de cellulose de spécialité, qui date de... 1917. Grâce à cet investissement de 235 millions de dollars, l'usine verra sa capacité de production augmenter de 15 000 tonnes et ses émissions de dioxyde de soufre diminuer de 70%. Il s'agit du plus important projet en cours dans l'industrie canadienne des pâtes et papiers.

«C'est un investissement très significatif pour une entreprise de la taille de Tembec, souligne le PDG James Lopez. Ça va changer le visage de la compagnie.» L'an dernier, Tembec a enregistré des revenus de 1,4 milliard et une perte nette de 82 millions.

 

Le projet doit générer un bénéfice avant impôts, intérêts et amortissement (BAIIA) de 48 millions par année. Ce n'est pas rien: au cours des dernières années, le BAIIA de Tembec a oscillé entre 21 et 157 millions.

Ce qui rend le projet si rentable, c'est qu'il fera passer la production d'électricité de l'usine (par cogénération) de 10 à 40 mégawatts. Dans le cadre d'un programme gouvernemental, Tembec a conclu un contrat de 25 ans qui lui permettra de vendre ces 50 MW à Hydro-Québec et de dégager des revenus annuels de 28 millions. Le programme se veut clairement une aide à l'industrie forestière: l'entreprise vendra son électricité à 106$ le mégawattheure, alors qu'elle paie 45$/MWh celle qu'elle achète d'Hydro. Et l'ironie, c'est que Tembec consommera une bonne partie de l'électricité vendue à Hydro.

«En raison de l'engouement mondial pour les énergies vertes, les gouvernements sont disposés à payer une prime aux entreprises pour ce type d'énergie, note M. Lopez. Nous y avons vu une façon de tirer parti de nos activités de cellulose et d'en accroître les marges bénéficiaires.» En fait, l'usine de Témiscaming deviendra l'une des plus rentables du genre dans le monde.

«Nous avons eu beaucoup de chance que le gouvernement du Québec soit à nos côtés quand nous en avions besoin», reconnaît le dirigeant. Outre le programme d'achat d'électricité, Québec a prêté 75 millions à Tembec à un taux d'intérêt avantageux de 5,5%.

Bond des coûts

Le projet coûtera toutefois plus cher que prévu. Lorsqu'il a été annoncé en mars 2012, il était question de 190 millions, 45 millions de moins que les projections les plus récentes. La hausse s'explique par la décision de Tembec d'installer une chaudière plus efficace et de plus grande taille.

Ce changement majeur a contraint Tembec à retourner voir le gouvernement, qui a répondu présent une seconde fois en consentissant un nouveau prêt de 17,8 millions. La mise en service des nouvelles installations, qui devait se faire en mai prochain, a été remise au mois d'octobre 2014. À cause de ce retard, Tembec devra verser une pénalité de plus de 1 million à Hydro-Québec.

Mais au final, les effets négatifs du dépassement de coûts seront limités. L'entreprise s'attend à rembourser son investissement en quatre ans et demi, alors qu'elle prévoyait le faire en quatre ans dans la première mouture du projet.

De plus, le choix d'une chaudière plus efficace facilitera la mise en place de la phase 2 du projet, actuellement évaluée à 120 millions. Ces travaux, prévus pour 2015, permettront d'accroître de 15 000 tonnes de plus la capacité de l'usine, qui atteindra alors 190 000 tonnes.

Si tout va bien, Tembec aura terminé, en 2016 ou en 2017, le repositionnement amorcé au milieu des années 2000. L'entreprise a abandonné des secteurs d'activité comme la fabrication de papier de bureau, de bois plaqué et de planchers de bois pour se concentrer sur des produits plus prometteurs comme la cellulose de spécialité.

«Nous voulions investir dans des secteurs où la demande et les prix sont moins cycliques, où il y a de fortes barrières à l'entrée et où les marges sont les plus élevées de l'industrie forestière, explique James Lopez. La cellulose de spécialité répondait à tous ces critères.»

Avant de lancer le projet de Témiscaming, Tembec s'était fait la main en 2011 en investissant 21 millions dans une nouvelle turbine de production d'électricité à son usine de cellulose de Tartas, en France. Le succès de l'opération a conforté l'entreprise dans sa décision d'investir massivement à Témiscaming.

«Nous étions à la croisée des chemins: nous devions faire cet investissement ou l'usine allait fermer. Nous ne pouvions pas justifier de continuer à investir dans l'usine pour la garder aux normes sans améliorer sa capacité à générer des flux de trésorerie. L'entente avec Hydro-Québec était essentielle.»

Le complexe de Tembec à Témiscaming, qui emploie 850 personnes, compte 4 usines distinctes:

> une usine de pâte à papier à haut rendement;

> une usine de carton blanc;

> une usine de cellulose;

> une usine de produits chimiques (lignosulfonates et éthanol).

Tembec fabrique également du bois d'oeuvre et du papier journal dans d'autres installations situées au Québec et en Ontario.

Le PDG tire à boulets rouges sur Québec

Ne parlez surtout pas du nouveau régime forestier québécois au grand patron de Tembec, James Lopez.

«S'il y a une chose que le gouvernement n'a pas encore comprise, c'est l'impact terrible qu'a le nouveau régime forestier sur les coûts des scieries», lance-t-il.

«On nous avait promis que la réforme n'entraînerait aucune hausse des coûts, mais dans les faits, les dépenses d'exploitation de nos scieries ont augmenté de près de 20%, ce qui est considérable», ajoute-t-il.

Selon André Tremblay, PDG du Conseil de l'industrie forestière du Québec (CIFQ), le nouveau régime, entré en vigueur en avril, a eu pour effet de faire bondir de 10 à 20% les coûts des scieries. C'est en Abitibi-Témiscamingue, où la concurrence a été plus vive pour les droits de coupe mis aux enchères, que les hausses ont été le plus marquées.

En vertu du nouveau régime, 25% des droits de coupe de bois dans les forêts publiques sont désormais mis aux enchères, de sorte que les industriels doivent se faire concurrence pour les acquérir. Auparavant, les droits étaient vendus à tarif fixe par l'État.

M. Lopez va jusqu'à dire que Québec n'offre pas le même traitement à l'industrie forestière qu'à l'industrie minière.

«La hausse des redevances minières a été grandement atténuée parce que les compagnies ont commencé à crier et à dire au gouvernement qu'elles n'allaient plus investir au Québec, lance-t-il. Le gouvernement a reculé parce qu'il voit les mines comme un secteur en croissance. Mais il ne voit pas notre industrie de la même façon. Apparemment, il ne considère pas que nos employés et nos usines sont stratégiquement importants pour la province. Tout ce qui l'intéresse, c'est de nous soutirer de l'argent.»

Le dirigeant soutient que l'industrie forestière n'a pas les moyens de faire pression efficacement sur Québec. «Nous sommes loin d'être aussi puissants que les minières, dit-il. Elles ont beaucoup d'argent pour faire du lobbying. Nous essayons de passer notre message comme nous le pouvons, mais le gouvernement ne veut pas nous entendre.»

Investissements

À cause du nouveau régime forestier, c'est au Québec qu'il en coûte le plus cher en Amérique du Nord pour s'approvisionner en bois, affirme le CIFQ.

«Avec ce que le gouvernement du Québec a fait, nos scieries québécoises sont loin d'être prioritaires pour recevoir des investissements, souligne James Lopez. Je vais mettre mon argent en Ontario, où les coûts sont beaucoup plus concurrentiels.»

Au cours des prochaines années, Tembec prévoit investir de 75 à 80 millions dans ses scieries canadiennes. M. Lopez ne veut pas dire combien l'entreprise investira au Québec et en Ontario. «Mais je peux vous dire que nos deux premiers projets se feront en Ontario», lâche-t-il.

Le président pourra plaider sa cause au Rendez-vous de la forêt québécoise, dont la tenue a été annoncée vendredi par la première ministre Pauline Marois. L'événement aura lieu à Saint-Félicien à la fin de novembre.

La cellulose de spécialité 

Ce produit a plusieurs applications:

> agent de texturation pour l'industrie alimentaire: rend les produits laitiers plus onctueux;

> agent épaississant pour l'industrie des cosmétiques: rend les crèmes plus lisses;

> agent antiéclaboussures: rend la peinture, le mortier et le plâtre plus faciles à utiliser;

> liant: largement utilisé dans la production de produits pharmaceutiques et cosmétiques.

Comment la fabrique-t-on?

Le bois est composé à environ 40% de cellulose. Pour l'extraire, on chauffe des copeaux de bois en y ajoutant de la liqueur de bisulfite d'ammonium, ce qui produit une pâte. On sépare ensuite les différents éléments de la matière ligneuse du bois pour ne garder que la cellulose, qui est ensuite tamisée, blanchie, lavée et séchée.

 

 

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